L’Ă©dition 2021 de Movember s’est achevĂ©e hier ! Le Collectif Gerda est allĂ© Ă la rencontre de la communautĂ© Movember lilloise et parisienne pour mettre en lumière les visages de nos moustachus engagĂ©s.
Chaque année depuis 2003, du 1er au 30 novembre, quelques milliers d’hommes à travers le monde se lancent le défi d’arborer fièrement leur moustache au nom de la santé masculine : c’est Movember. Movember c’est un mois de sensibilisation aux cancers masculins, mais pas que ! Ce mois-ci, on s’attaque aussi aux sujets de la santé mentale et du suicide chez les hommes.
LA NAISSANCE HASARDEUSE DE MOVEMBER
Pour la petite histoire, c’est dans un bar de Melbourne en Australie que l’idée voit le jour. En 2003, deux amis australiens, Travis Garone et Luke Slattery, se désolent d’observer la disparition de « la moustache » et se donnent pour mission de la remettre au goût du jour.
Ce qui au départ ne devait être qu’un simple pari, s’avérera en fait être un moyen efficace de discussion et d’échange. La moustache n’attire pas seulement l’œil, elle attise la curiosité : « Pourquoi ? ». C’est donc ce succès inattendu qui conduit à la création de la Fondation Movember en 2004.
Impulsé par l’équipe nationale australienne de rugby, les Wallabies, dont les joueurs se laisseront pousser la moustache, Movember fait son bout de chemin jusqu’à atteindre la Nouvelle-Zélande, le Canada, l’Espagne, les États-Unis et le Royaume-Uni. Les premiers moustachus engagés français se manifesteront quant à eux en 2012.
UNE RÉCOLTE DE FONDS PAR DES HOMMES ET DES FEMMES
Comme pour Octobre Rose, les hommes et les femmes peuvent s’impliquer. Autrement qu’en se laissant pousser la moustache, la communauté grandissante de Mo Bro et Mo Sistas peut faire de la prévention et récolter des fonds de différentes manières.
Les « Mo-Ment » permettent la récolte de dons dans un cadre plus ludique. C’est ainsi que l’association Cheer-Up de l’EDHEC Lille a eu l’idée de faire venir des barbiers sur son campus et d’organiser un concours récompensant les plus belles moustaches !
Movember se mobilise aussi contre l’inactivité physique et l’isolement social et lance alors le défi de courir ou marcher sur une distance de 60 kilomètres en un mois. Pourquoi 60 ? Parce qu’en moyenne, ce sont 60 hommes qui se suicident chaque heure dans le monde – soit 1 homme par minute.
Les chiffres alarmant de l’Organisation Mondiale de la Santé montrent que ¾ des suicides touchent les hommes et que cela représente le décès de 510 000 hommes dans le monde chaque année.
Une autre façon d’apporter son soutien à Movember est de faire un don à la Fondation. Chacun s’y retrouve !
Depuis son lancement en 2003, Movember c’est :
- 5 millions de participants, hommes et femmes, de 20 nationalités différentes
- Le financement de 1 250 projets pour la santé masculine
- 877 millions d’euros récoltés par les Mo Bro et Mo Sistas
- Avoir pour objectif de « contribuer Ă l’Ă©chelle mondiale Ă ce que les hommes puissent mener une vie plus heureuse, plus saine et plus longue »
Par « financement de la santé masculine », la Fondation entend verser les fonds à la recherche scientifique pour les cancers de la prostate et des testicules ; à des programmes luttant contre l’isolement social, les stéréotypes de genre, les pressions de la virilité et cherche à expliquer le taux de suicide élevé chez les hommes.
LES CANCERS MASCULINS
Finalement, on ne sait pas grand-chose des cancers de la prostate et des testicules. Et pourtant, leur dépistage et leur existence gagneraient à être plus connus.
Pour vous donner une idée, le cancer de la prostate c’est :
- Le cancer masculin le plus fréquent
- La deuxième cause de décès des hommes
- 50 000 cas diagnostiqués chaque année en France
- 8 700 décès chaque année en France
Le cancer des testicules est lui le cancer le plus fréquent chez les hommes de 15-39 ans avec un taux de guérison de 95% s’il est pris en charge relativement tôt. Parmi les méthodes les plus efficaces, l’auto-examen peut permettre de détecter un cancer des testicules le plus tôt possible. Comme l’auto palpation mammaire, il est préconisé de le réaliser une fois par mois.
NORMALISER LE FAIT DE DEMANDER DE L’AIDE
Que ce soit chez les femmes ou chez les hommes, les séquelles psychologiques laissées par un cancer sont variées : anxiété, stress, isolement social, sentiment de ne plus être désirable ou performant, baisse de l’estime de soi… Au fil des années, la nécessité de renforcer le suivi psychologique des patients guéris s’est alors imposée.
Le 1er octobre 2021, le nouveau numéro national de prévention du suicide promis par le gouvernement français entrait en fonctionnement. Le 31 14 permet alors aux « personnes en détresse psychique et à risque suicidaire » d’échanger avec des professionnels de la psychiatrie 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 !
Au-delà de ça, la Fondation Movember encourage de faire « régulièrement le point avec ses amis et sa famille », de « parler des grands moments de sa vie » dans le but de briser le silence et l’isolement.
ENTRETIEN AVEC UN MOUSTACHU ENGAGÉ
Maintenant que vous avez la tête bien remplie, donnons la parole à Félix Decroocq Lemaire, membre de la Fondation Movember depuis 9 ans ! Il saura peut-être vous convaincre de vous laisser pousser la moustache ou vous donnera des idées d’actions à mettre en place…

Félix a 27 ans, il est entraîneur préparateur physique et analyste vidéo à l’Olympique Marcquois Rugby. Depuis qu’il fait partie de la famille Movember, il a récolté plus de 2 500 euros de dons.
Salut Félix, en 2012 tu décidais de te laisser pousser la moustache, comment as-tu connu l’initiative Movember et qu’est ce qui t’as donné envie d’y participer ?
J’ai connu Movember par le rugby. Les rugbymans australiens avaient joué contre l’équipe de France, un match que j’avais certainement regardé avec mes amis. Quand j’ai su pourquoi ces Australiens se laissaient pousser la moustache, ça m’a plu. Quelque temps plus tard, quand quelques amis ont fait cette action, je les ai suivis.
Au départ, je le faisais un peu comme tout le monde, un peu par soutien sans vraiment m’investir plus que ça. Mais l’année suivante, mon père est décédé d’un cancer, ce n’était pas un cancer de la prostate ou des testicules, mais la récidive d’un cancer qu’il avait guéri. Il est décédé le 30 octobre 2013 et peut-être parce que novembre était tout proche, j’ai eu l’idée « lumineuse » de me mettre un peu plus sur Movember. Ou du moins, ça y a participé parce que je comptais déjà un peu plus m’investir, c’était une belle occasion d’agir et de contribuer.
Est-ce que tu trouves qu’il y a un tabou autour de la santé masculine ?
Je dirais pas qu’il y a un tabou, c’est surtout un sujet totalement méconnu. Enfin, oui, effectivement, on peut peut-être parler de tabou dans le sens où je connais très peu d’hommes qui parlent de leurs problèmes de santé. Un homme ça va toujours bien, ça doit toujours avancer. Au-delà de ça, je dirais qu’il y a un énorme manque de connaissances sur les cancers de la prostate et des testicules : ce que ça produit sur le corps, le nombre de personnes que ça touche, mais surtout la facilité à les dépister rapidement. Moi le premier, dire que j’ai mal ce n’est pas mon truc mais c’est de faire attention avant d’avoir mal qui est encore moins répandu chez les hommes. Je pense que les femmes, elles sont, dès le début, amenées à aller voir un.e gynécologue et à faire attention à leurs parties intimes. C’est quelque chose de presque inconnu chez les hommes.
Si tu ne recevais pas une lettre à tes 50 ans pour aller faire un dépistage du cancer de la prostate, il n’y a aucun homme qui y irait. Alors si on voyait à plus grande échelle, des actions devraient être menées pour permettre de démocratiser le dépistage. Pour ça, il doit d’abord y avoir une prise de conscience collective pour agir, le mouvement Movember a vocation à faire ça.
Et la position de Movember par rapport à la prévention de la santé mentale, tu en penses quoi ?
La Fondation Movember, elle est partie de la prévention des cancers masculins et elle s’est rendu compte qu’en plus d’être touchées par le cancer, les personnes atteintes avaient énormément de séquelles. Parce que ça touche à l’intimité de l’homme, parce que ça les détruit mentalement, beaucoup d’entre eux se suicidaient. Selon la virilité de chacun, il y a ce truc de « je bande plus, je suis plus un homme ». Et c’est à partir de ce constat-là , qu’ils se sont investis dans la prévention des suicides et dans le suivi mental des personnes atteintes de cancers.
Depuis que tu fais partie de la Fondation Movember, quelles sont les différentes actions que tu as mises en place ?
Quand j’étais à la fac, j’ai essayé de réunir un maximum de personnes autour de moi. Pareil pour le rugby où j’ai essayé d’impliquer le plus de personnes dans l’action.
Il y a eu des mini-succès, dans le sens où on en a parlé autour de nous, c’est déjà une belle chose. Il y avait des fêtes – les zinzins – organisées par les étudiants ou les associations sportives de STAPS dont le thème était Movember, on en parlait et on récoltait quelques dons. Mettre des moustaches sur des affiches, ça peut éveiller des questions.
Après, au rugby, j’ai proposé de faire des goûters Movember, ce qui a plutôt bien marché en termes de récolte de dons : les parents amènent des gâteaux et on les revend ensuite à prix libre.
J’ai aussi fait un album de reprises pour redonner quelque chose aux personnes qui m’avait fait un don sur mon profil Movember. Je pense que c’est ce qui marche le mieux dans la demande de dons : créer, rendre quelque chose à celui qui te donne. Cette année-là , j’ai dû récolter 1 000 euros.
Après, ça peut aussi juste être communiquer sur les réseaux sociaux : dire ce que fait Movember, faire de belles photos et en parler.
Le but, c’est d’impliquer son entourage.
Oui, c’est ça. Pour la « blague », tu te laisses pousser la moustache puis t’en parles, tu dis à tes amis « allez fais le, laisse toi pousser la moustache ». Alors, il y en a qui suivent et qui se rendent compte que ça marche, que les gens en parlent et que quelque part c’est une bonne action. Au final, ce n’est pas grand-chose pour une bonne action et tout le monde peut s’y retrouver assez facilement.
J’ai des amis du rugby : un qui est à Angers qui fait Movember, un autre qui est devenu coach sportif à côté d’Avignon et qui propose des programmes sportifs gratuits pour 20 euros de dons. Le peu de personnes de mon entourage qui contribuent de la même façon que moi en récoltant des dons arrivent à générer un attrait autour de Movember : c’est un cercle vertueux pour toutes les personnes malades et pour la Fondation.
Alors si quelqu’un veut participer à Movember, comment peut-il le faire concrètement ?
Déjà , il faut pouvoir le faire voir. Le but, c’est d’interpeller, c’est d’avoir une moustache tout simplement. Il faut changer de look pour créer une discussion, une interpellation qui amène à échanger autour de cette cause ; expliquer pourquoi on se laisse pousser la moustache, discuter des problèmes de la santé des hommes, qu’elle soit mentale ou physique. Une autre façon d’agir, c’est de parler du pourcentage de personnes atteintes des cancers de la prostate et des testicules, parce qu’il est assez impressionnant. Ce sont des cancers qui se soignent bien, mais qui ruinent des vies s’ils ne sont pas dépistés à temps. Comme c’est un dépistage facile à mettre en place, ce serait déjà une belle action. Pour récolter des dons, ce n’est pas compliqué, c’est comme un profil Facebook : tu t’inscris sur le site de la Fondation Movember, tu mets une photo de profil et tu as un lien pour pouvoir récolter des dons. Tu peux aussi créer une équipe ou créer une compétition entre amis pour savoir qui récoltera le plus de dons. Après, tout ce qui est récolté permet de financer la santé masculine vers le mieux.
Un dernier mot ?
J’aimerai remercier toutes les personnes qui m’ont aidé dans cette cause et qui continuent de m’aider à faire avancer les choses et la santé masculine. Je voudrais faire un bisou à mon père et dire à toutes les personnes qui ont été atteintes de près ou de loin par un cancer que je les aime et que je les soutient.
Merci Félix ! Comme tu dis, tout le monde peut s’y retrouver et il n’y a pas de petites actions.
Le but c’est de délier les langues autour du sujet de la santé masculine !
Alors, convaincus ?

Etudiante en 3ème annĂ©e de l’AcadĂ©mie ESJ, j’aime la photographie simple, celle qui immortalise les moments de notre quotidien. J’aime surtout les portraits, les paysages et plus particulièrement les couchers de soleil, les contrastes et les couleurs chaudes.